Après-midi de projections
Lého Galibert-Laîné, Samir Ramdani et Wendelien van Oldenborgh

Lého Galibert-Laîné, Forensickness, (extrait), France, Allemagne | 2020 | 40’ | FID 2020

Samir Ramdani, Daw, (extrait), France | 2023 | 28’ | FID 2023

Wendelien van Oldenborgh, Hier. , (extrait), Pays-Bas | 2021 | 28’ | FID 2021
Lého Galibert-Laîné, Forensickness, (extrait), France, Allemagne | 2020 | 40’ | FID 2020
Les trois films présentés interrogent le format de l'enquête, par le prisme de la science-fiction et du film de genre chez Samir Ramdani, sous la forme d’une enquête policière « do it yourself » chez Lêho Galibert-Laîné, et à travers des allers-retours entre passé et présent, mémoire et histoire dans le travail de Wendelien van Oldenborgh.
Forensickness
Lého Galibert-Laîné, 2020
Film au sujet d’un autre film, le brillant Watching the detectives de Chris Kennedy, Forensickness est à la fois un desktop movie et une comédie policière ayant pour cadre l’attentat commis en 2013 pendant le Marathon de Boston. Il reprend à son compte le principe de son modèle : enquêter sur l’enquêteur. Lého Galibert-Laîné déshabille les procédés de l’enquête avec brio en jouant le jeu des correspondances et de leur fabrique. Il révèle non sans malice que l’art de l’enquête est celui, cinématographique, du montage.
Cette mise en rapport de deux choses sans rapport fait toujours son effet : celui d’une révélation. Poursuivant son incursion dans l’univers du cinéma, il adapte son outillage de chercheur universitaire, fait de citations, d’archives, d’emprunts et de remplois, à l’esthétique d’un genre cinématographique particulier, le found footage. Forensickness démontre ainsi joyeusement que tout se combine avec tout. Jusqu’au dévoilement final qui nous laisse à une délicieuse jubilation et à l’idée qu’une image, apparue à l’écran ou épinglée sur un mur, avant d’être un contenu signifiant, est une surface de projection.
[Texte de Claire Lasolle]
Daw
Samir Ramdani, 2023
Une ouverture digne d’un blockbuster de science-fiction, genre que Samir Ramdani affectionne particulièrement. Mais les ingrédients sont décalés : énergie des adolescents qu’on appelle « des quartiers » (en fait Saint-Fons), moyens et espaces qui revendiquent leur modestie, musique qui habille les séquences d’un voile hollywoodien minimal. Le schéma narratif est limpide : des adolescents ont disparu. Samir Ramdani, en flic indolent, et sa supérieure Samira doivent les retrouver. Autant d’éléments pour investir les potentialités de la fiction politique et aborder tabous et stéréotypes de la société française à l’égard des Français d’origine algérienne.
Ainsi quand Samira discute au téléphone avec le préfet de l’avancée de l’enquête, elle passe subrepticement à la langue arabe ; Samira est lesbienne ; son ex-copine est prof de boxe.
Daw, ouvertement féministe et décolonial, se met ainsi au service des enfants de la diaspora pouvant ignorer l’origine du mot ratonnade comme le massacre du 17 octobre 1961. Fiction émancipatrice déguisée en film de genre, Daw affirme l’urgence de l’appropriation des héritages avec à l’esprit que « Celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre ».
[Texte de Claire Lasolle]
Hier.
Wendelien van Oldenborgh, 2021
Hier. navigue avec aisance entre réflexions politiques et souvenirs personnels, porté par une constellation de voix et une matière poétique. Au Museum Arnhem (Pays-Bas), en pleine rénovation — un lieu de conservation en transition —, nous rencontrons un groupe de jeunes femmes qui s’expriment à travers la musique, la poésie et le dialogue. Ensemble, elles explorent avec sensibilité des thèmes tels que l’hybridité, la transnationalité et les sensibilités diasporiques : en somme, l’instrumentalisation politique de l’identité et le renouveau culturel face aux échos persistants de l’histoire coloniale dans la société contemporaine.
Aux côtés des protagonistes, le lieu lui-même devient une « voix » signifiante. Le Museum Arnhem fut à l’origine construit à la fin du XIXe siècle comme un « club en plein air » — un club de gentlemen fondé par des habitants d’Arnhem n’ayant pas le statut social nécessaire pour rejoindre la Groote Sociëteit, située au centre-ville. Beaucoup d’entre eux avaient un passé lié à la colonisation. Dans le film, on découvre le bâtiment mis à nu, ramené à ses fondations, où béton usé et détails élégants de l’Art nouveau coexistent. Dans ce décor contrasté, fait de ruines et de possibles, trois « lignes sonores » se déploient : le groupe FRED improvise à partir de la musique traditionnelle kroncong avant de passer à une composition contemporaine ; Pelumi Adejumo lit un texte né de réflexions partagées ; Lara Nuberg réagit spontanément à divers documents, témoignages, à la musique, et au bâtiment lui-même.
À travers musique et poésie, le film donne à entendre non seulement des urgences sociopolitiques, mais aussi des thèmes plus profonds, existentiels, et empreints de vulnérabilité. Avec douceur mais assurance, on voit naître des liens d’amitié et de collaboration. Il est question d’amour, de la douleur qui l’accompagne, de grandes questions de vie et de certitudes — autant de points d’appui pour envisager un futur en transformation.
Suivra la projection un temps d’échange avec Samir Ramdani et un apéritif.
Entrée libre sur réservation à lleon@saint-fons.fr
Un partenariat avec le FIDMarseille

Lého Galibert-Laîné, Samir Ramdani et Wendelien van Oldenborgh
Lého Galibert-Laîné
Né·e en 1992 en France, vit et travaille à Paris. Lého Galibert-Laîné est à la fois chercheur·euse et cinéaste. En 2021, iel a soutenu une thèse à l’École normale supérieure de Paris (Université PSL) intitulée Documenting the Internet, consacrée à la réutilisation des médias en ligne dans le cinéma non-fictionnel contemporain. Son travail explore les interactions entre le cinéma et les nouveaux médias, en s’intéressant particulièrement au réemploi des contenus numériques dans la création audiovisuelle. Reconnue pour sa capacité à questionner les frontières entre le cinéma traditionnel et les médias numériques, son œuvre propose une réflexion critique sur l’impact des images en ligne sur notre perception du monde.
Samir Ramdani
Né en 1979, vit et travaille à Paris. Samir Ramdani est un artiste plasticien et cinéaste dont le travail explore, à travers la vidéo, la photographie et le cinéma, des thématiques telles que la race, la classe sociale, l’inclusivité, la domination et le désir. Diplômé des Beaux-Arts de Toulouse et ancien résident au Pavillon du Palais de Tokyo, il développe une approche artistique engagée qui interroge les dynamiques de pouvoir et les réalités vécues par les minorités. Samir Ramdani aborde les questions politiques avec un regard singulier, ses vidéos empruntent avec jubilation aux esthétiques du film d’horreur, de la science-fiction et du thriller, tout en intégrant des références à l’abstraction géométrique. En créant des passerelles entre des univers a priori éloignés, il inscrit ses œuvres aussi bien dans des espaces d’exposition que dans des festivals de cinéma, brouillant les frontières entre fiction et documentaire.
Wendelien van Oldenborgh
Née en 1962 à Rotterdam, vit et travaille à Rotterdam.
Wendelien van Oldenborgh est une artiste dont le travail explore les relations sociales dans la sphère publique. Reconnue pour son approche novatrice
du médium cinématographique, elle intègre ce format à la fois comme un outil de production et un langage de présentation.
À la manière d’un réalisateur de cinéma, elle expérimente différents scénarios avec divers participants, engageant un processus collaboratif où les échanges
et interactions nourrissent la construction de l’œuvre. Cette démarche conduit
à des formes finales variées, qu’il s’agisse de films ou d’autres types de projections d’images. Ses œuvres sont exposées dans des biennales et institutions de renom, notamment présentées à la Biennale de Venise en 2017.