Exposition

On the ground among the animals

Marina Caneve

14.12.24 — 22.02.25

« (…) Si tu n’étais pas allongée à terre parmi les animaux, tu n’aurais pas pu contempler le ciel étoilé et tu ne te serais pas sauvée. Peut-être tu n’aurais même pas survécu à l’angoisse de la position débout ».

Cette citation de Lettre à Felice de Kafka résume parfaitement les deux dynamiques qui traversent le travail de Marina Caneve : l’idée de changer de perspective pour observer le ciel étoilé et celle de se rapprocher de la terre, dans un sens symbolique, pour être plus près de la nature, tout en remettant en question la position dominante de l’humain sur les autres espèces. Pour Caneve, la photographie n’est pas seulement un moyen de documenter, mais un outil de recherche permettant de mettre en lumière les contradictions et les incongruités de notre époque. Son objectif n’est pas simplement de témoigner ou de traiter directement un sujet, mais d’élargir la réflexion, de créer des connexions inattendues et d’offrir une lecture plurielle.

Le projet présenté par l’artiste est le fruit d’un travail de plusieurs années et s’appuie sur le programme européen Natura 2000. Ce programme, instauré il y a trente-cinq ans, vise la préservation de la biodiversité et la protection de certains habitats et espèces dans les pays membres de l’Union européenne, notamment à travers la construction de ponts pour animaux, souterrains ou surélevés, permettant la libre circulation de la faune et de la flore. L’intuition de travailler sur ces espaces interroge la place de l’animal dans un environnement où l’action humaine, en modifiant et en fragmentant les écosystèmes, rend parfois impossible la libre circulation des espèces.

 

Ces ponts, qui symbolisent une Europe sans frontières et un effort collectif pour l’environnement, révèlent que l’espace naturel est un espace politique où se manifeste ou non la pensée écologique dans les débats publics de chaque nation. Ils mettent aussi en évidence les contradictions d’une utopie où la liberté de circulation entre les pays se heurte aux principes de souveraineté nationale. L’artiste brouille les pistes et, dans son installation vidéo, utilise des enregistrements réalisés par des scientifiques près des ponts pour animaux, grâce à des caméras thermiques. Ces caméras, originellement utilisées pour la surveillance des frontières, servent aujourd’hui à contrôler les mouvements irréguliers entre pays.

Les images présentées dans l’exposition rappellent d’abord la photographie de paysage, mais Caneve choisit de montrer des résidus d’un environnement naturel, où les animaux apparaissent de façon furtive et où l’action humaine se manifeste à travers des structures et objets, physiques et symboliques, créés pour contrôler, organiser et surveiller. Certaines images relèvent aussi de ce que l’artiste appelle un « écosystème culturel », peuplé d’images qui contribuent à façonner l’imaginaire collectif lié à la domestication de la nature, ainsi que des traces et gestes inspirés des termites australiennes ou des architectes avant-gardistes des années 1970.

Ainsi, le travail de Marina Caneve se construit à travers des allers-retours entre différents écosystèmes – du physique au symbolique, de l’animal à l’humain, du scientifique au culturel –, créant une réflexion complexe qui interroge la relation entre l’homme, la nature et les structures de pouvoir.

Commissariat : Alessandra Prandin

Marina Caneve

Marina Caneve (1988) développe des projets artistiques qui explorent l’interaction entre la photographie et la recherche.

 

Dans sa pratique, la stratification entre les disciplines et les langues est cruciale et ses projets découlent principalement de la remise en question de récits stéréotypés et frontaux. Elle se concentre actuellement sur l’idée d’écosystèmes à la fois environnementaux et culturels.

En 2023, Caneve a reçu la bourse de l’Italian Council avec le projet On the ground among the animals promu par FMAV – Fondazione Modena Arti Visive et UGM – Umetnostna galerija Maribor.

 

Avec « Are they Rocks or Clouds ? », elle a remporté de nombreux prix, dont le Giovane Fotografia Italiana (actuellement Premio Luigi Ghirri), le Dummy Award à Cortona On The Move, le Bastianelli Award pour le meilleur livre de photos italien et a été nominée pour le Prix du livre des Rencontres d’Arles. Elle a également été finaliste du C/O Berlin Talent Award (2021) et du Premio Gabriele Basilico (2020).

 

Le travail de Caneve a été exposé internationalement dans des institutions telles que le MAXXI à Rome, le Fotohof à Salzbourg, l’Institut Néerlandais à Paris et la Triennale à Milan ; son travail fait partie des collections d’institutions telles que la Fondazione AGO – Modena, le MAXXI, le MUFOCO, le MiC, l’ICCD et le Musée national de la montagne.

Parmi ses principales publications, citons On the ground among the animals (Fw:Books), Calamita/à. An investigation into the Vajont catastrophe (Fw:Books), Are they Rocks or Clouds ? (Fw:Books), Di roccia, fuo chi e avventure sotterranee (Quodlibet/Ghella), The Valley Between Peaks and Stars (Quodlibet), The Shape of Water Vanishes in Water (A+Medizioni).

 

Ces dernières années, elle a été chargée de recherches artistiques pour des projets tels que Atlante Sapienza 22, MAXXI ; Italia Inclusiva, MAECI ; Tredici sguardi sui Musei Lombardia, Direzione Musei Lombardia ; Atlante Architettura Contemporanea, MiC e MUFOCO ; Unesco, ICCD ; Marghera on stage, Padiglione Venezia, La Biennale di Venezia. Elle est cofondatrice de CALAMITA/À (fondé en 2013), une plateforme interdisciplinaire qui s’intéresse aux catastrophes et en particulier au Vajont. CALAMITA/À a reçu la bourse Strategia Fotografia en 2023.

 

Elle combine sa pratique avec l’enseignement au CISA Locarno, au LABA Brescia, au Master IUAV en Photographie et au Spazio Labo’ et donne des ateliers pour différentes institutions.

Autour de l’exposition